lundi 16 novembre 2009

Payer moins en roulant moins ?

Abandonner le principe du forfait pour une taxation au kilomètre parcouru constitue-t-il un progrès ? L'idée est a priori séduisante : on en parle de plus en plus en Belgique et, les Pays-Bas viennent d'’inscrire cette méthode de taxation dans leur réglementation. La séduction tient à ce que, en général, chacun estime qu’il paie trop par rapport au nombre de kilomètres qu’il parcourt par an. Mais c'est un mirage. D'une part, l'introduction du principe du forfait est accompagnée par la disparition d'une taxation fondée sur la puissance du véhicule et, par conséquent, sur la richesse matérielle de son propriétaire. D'autre part, moyennant l'espoir fallacieux d'un allègement de la facture, c’est tout le principe de solidarité qui est menacé. En effet, pour le moment, ceux qui roulent moins compensent ceux qui roulent plus, mais demain ceux qui roulent plus devront payer plus. Si l’on regarde de manière plus attentive la réalité du terrain, cela signifie que les personnes qui peuvent s’offrir le luxe d’habiter près de leur lieu de travail ou qui ont la chance de travailler près de chez eux seront favorisés par rapport à ceux qui n’ont pas le choix ou la possibilité de leur lieu de travail.

Il est bien entendu important de limiter l’utilisation des véhicules, pour des raisons environnementales et de favoriser l’usage des transports en commun, mais pour cela, une politique ambitieuse de mobilité est nécessaire. J'exagère dans ma présentation des enjeux ? Pas du tout. Attardons nous un instant sur la situation de la région du Centre. Selon le site de la SNCB et une estimation des temps de déplacements en voiture basée sur mon expérience, si je veux me rendre de La Louvière à Enghien, il me faudra, en transports en commun, en semaine, un minimum 1h13. En voiture, 35 minutes seulement sont nécessaires. Entre Ecaussinnes et Lessinnes, les résultats sont de 1h 18 pour un voyage en train et de 34 minutes pour un voyage en voiture ... et encore, il s'agit d'une estimation de gare à gare... et il n'y a pas de gare dans toutes les communes de Wallonie.

Les navetteurs à destination du centre de Bruxelles seront sans doute satisfaits de cette mesure pour autant qu'ils n'habitent pas trop loin de leur gare de départ. Mais que dire des personnes qui sont obligées de prendre leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail? Prenons les enseignants, qui, en début de carrière, voyagent d’une école à l’autre pour avoir un horaire complet, et dont les frais de déplacement ne sont pas remboursés. Pour mémoire, il y a 75 000 enseignants dans l’enseignement obligatoire en Communauté française. Ils devront payer plus pour travailler : c’est inadmissible. Un autre exemple tiré cette fois de l’actualité immédiate ? Les militaires, dont le ministre de tutelle, Pieter De Crem veut fermer certaines casernes et qui seront réaffectés souvent loin de leur domicile, feront aussi les frais d'une réforme de la taxation, si celle-ci voit le jour.

Les socialistes s'opposeront à une telle réforme qui malmène la solidarité entre les citoyens et les travailleurs.

Une politique de mobilité sociale et écologique ne peut se résumer au petit trajet qu'accomplirait H. Van Rompuy en quittant le « 16 » de la rue de la loi pour le « 175 » .